présentation du programme de géographie de l'ENS Lyon  2017/18 : le Brésil

Pour cerner les limites du sujet, son ampleur et ses problématiques, il faut se référer  à la lettre de cadrage fournie par le jury de l’ENS LYON :

 


" La Coupe du Monde de football de 2014 et les Jeux Olympiques d’été de Rio de Janeiro en 2016 ont mis le Brésil au coeur de la scène médiatique mondiale. Au même moment, le scandale Petrobras et la destitution de la présidente Dilma Rousseff ont exposé au grand jour les fragilités d’une économie longtemps présentée comme l’une des plus dynamiques parmi les pays émergents. Pays le plus peuplé d’Amérique latine, le Brésil s’impose par sa taille, équivalente à presque deux fois celle de l’Union européenne et sans comparaison avec d’autres Etats situés entre les deux tropiques.
L’étude géographique du Brésil amènera d’abord les candidats à l’épreuve de géographie à prendre la mesure d’un territoire aux dimensions d’un continent. Ils devront ensuite s’intéresser aux principales caractéristiques géographiques qui structurent cet espace immense. L’analyse devra s’appuyer sur la maîtrise d’une information géographique qui permette de documenter des situations à plusieurs échelles et dans la diversité des contextes régionaux. Au delà de l’information géographique au sens strict, les candidats pourront également mobiliser des références et des exemples issus de la littérature ou d’autres productions culturelles brésiliennes afin d’illustrer les processus considérés.

L’étude du Brésil permet de traiter quatre principaux thèmes géographiques, chacun ayant des liens avec l’autre.
Les grands ensembles régionaux et la formation du territoire. Ancien territoire colonial, le Brésil a été façonné par plusieurs siècles d’exploitation et d’aménagements afin d’optimiser une économie tournée vers l’exportation, en particulier vers l’Europe. Les périodes successives d’essor de la canne à sucre, de l’or et du diamant puis du café renvoient à des modes d’organisation de l’espace, différenciés selon les régions, et dont les héritages sont toujours visibles dans les structures économiques et sociales.
Cette géohistoire du Brésil, bien décrite par ce que Celso Furtado a désigné comme « cycles économiques », devra être connue des candidats. Les mises en valeur du littoral puis de l’intérieur, que ce soit les régions minières ou le front pionnier amazonien, doivent pouvoir être connues et documentées tout comme les mécanismes économiques liés à l’industrialisation rapide du pays à partir des années
1930 et son entrée dans une logique de développement de la demande intérieure.
Cette géographie historique dessine cinq régions, souvent utilisées pour caractériser les différentes parties du Brésil : le Nordeste, la région du front pionnier autour de Brasilia, le coeur économique joignant Rio à São Paulo, le Sud et la région amazonienne. Ce découpage reprend à quelques différences près celui des grandes régions statistiques dessinées par l’Etat brésilien. S’agissant de l’Etat, les candidats devront en connaître les grandes lignes de fonctionnement et s’interroger sur le cas original d’un pouvoir fédéral mais en même temps centralisé, très actif depuis des décennies en matière d’aménagement du territoire national. La création de grandes routes transamazoniennes, la formation de Brasilia ou encore l’installation du barrage d’Itaipu sur le Rio Paraná sont autant de grandes réalisations structurantes du territoire brésilien. Le contraste avec l’importance de pratiques informelles, notamment dans l’expansion des villes ou l’exploitation des ressources naturelles sera cependant également à souligner.
Une société diverse et inégalitaire. Le Brésil se présente comme une société métissée, peuplée à la fois de descendants de colons et de migrants d’origine européenne, d’esclaves venus d’Afrique de l’Ouest et de populations amérindiennes. Il présente aussi des structures de peuplement fort diverses intégrant des zones très denses et de véritables déserts. La consommation frénétique d’espace dans la mise en agriculture du Brésil ou dans des réalisations urbaines telles que Brasilia sont d’ailleurs des illustrations de ce rapport à la basse densité. En ce qui concerne sa population, le Brésil donne l’image d’un Etat en passe de terminer sa transition démographique avec un taux de fécondité passé sous la barre du taux de renouvellement des générations, ce qui laisse augurer des phénomènes de vieillissement. Le pays fait également face à des problèmes nouveaux liés à la santé et l’alimentation. Les logiques démographiques nationales y cachent des inégalités très importantes à la fois entre classes sociales et entre régions. Les inégalités sont un trait majeur dans l’histoire sociale du Brésil comme dans bon nombre d’Etats latinoaméricains.
Au‐delà, la question des inégalités se présente comme une des facettes du développement du Brésil. Leur mesure et leur définition par des écarts de salaire et de revenu mais aussi leur lien avec les divisions raciales ou ethniques font régulièrement l’objet de questionnements. Le programme demande des candidats une capacité à rendre compte des particularités sociospatiales du Brésil mais aussi à présenter les récentes politiques économiques et sociales insufflées par l’Etat ainsi que leurs limites. On pense évidemment à la question des « paysans sans terre », mais aussi au chômage grandissant chez des jeunes ayant eu accès à l’éducation, y compris universitaire. Entre l’extrême richesse et l’extrême pauvreté, les candidats devront réfléchir aux enjeux de justice sociale et spatiale en considérant les conséquences géographiques des changements socio‐économiques en cours.
La question urbaine. Le Brésil est un Etat peuplé à 86% d’urbains. La fondation des villes a souvent suivi celle des transformations du pays au rythme des cycles économiques. Leur développement dépendait des relations complexes entretenues sur le long terme entre le territoire brésilien et l’Europe
ainsi que des évolutions générales de la démographie du pays. Les candidats devront être en mesure de donner des éléments de caractérisation de l’armature urbaine et d’identifier les complémentarités fonctionnelles entre les grandes villes du pays (Brasilia, São Paulo, Rio de Janeiro). Ils devront aussi connaître finement les armatures régionales et les relations préférentielles des plus grandes villes avec
des villes plus modestes mais tout de même très importantes (Campinas, Curitiba, Manaus, Porto Alegre, Recife). La question urbaine nécessite également de prendre en compte les structures internes des villes ainsi que les tensions sociales qui les traversent. Les candidats ne devront pas réduire les questions de logement à une simple opposition entre quartiers ou immeubles fermés et les favelas. Les villes
brésiliennes présentent en effet une palette de situations bien plus complexe, intégrant des programmes de logements sociaux, de créations de quartiers pavillonnaires avec accès facilité à la propriété comme ceux construits avec le programme « Minha Casa Minha Vida » en 2009. Il sera également apprécié des
candidats une capacité à prendre conscience des grands enjeux liés à la mobilité, aux infrastructures, à la sécurité ainsi qu’à l’informalité présente dans les pratiques d’urbanisme, le monde du travail et les rapports sociaux en général.
Le Brésil dans la mondialisation. Les candidats devront être sensibles à la place du Brésil dans le monde et s’interroger sur ce qu’on nomme généralement l’« émergence ». Dans le cas du Brésil, on est davantage en présence d’un Etat en quête permanente de reconnaissance internationale. Sur la scène diplomatique, le Brésil est un des cinq pays composant les BRICS. Il a émergé comme un acteur moteur au niveau régional, notamment au sein du Mercosul mais aussi dans ses relations transfrontalières avec ses voisins. D’autre part, il cherche à apparaître comme un acteur de premier plan au niveau international, au sein du G20 ou en revendiquant un siège au Conseil de Sécurité de l’ONU. Parallèlement, l’internationalisation du Brésil est beaucoup passée par sa puissance agricole mais également par son
industrie et le développement d’entreprises multinationales entrées dans le cercle des premières mondiales dans leurs domaines, comme la célèbre firme d’aéronautique Embraer. Le pays peine toutefois à choisir entre le pari de la haute technologie et la rente considérable qu’induit une utilisation des ressources naturelles et agricoles qui soulève d’importants problèmes sociaux et environnementaux. Il doit tenir compte de ses responsabilités territoriales dans les changements environnementaux globaux et dans la promotion d’un développement soutenable, en tant qu’acteur local et global.